Comment Joseph Dirand a signé le décor des plus beaux restaurants de Paris

Inscrits au cœur de musées parisiens, Monsieur Bleu, Loulou et Girafe comptent parmi les plus beaux restaurants de la capitale. Pour AD, l’architecte Joseph Dirand revient sur l’aménagement de ces trois projets dans des écrins d’exception.

Joseph Dirand a le chic pour décorer les restaurants les plus en vue de Paris : Monsieur Bleu au Palais de Tokyo (depuis 2013), Loulou au Musée des Arts Décoratifs (depuis 2016) et Girafe au Palais de Chaillot (depuis 2018). S’attaquant un à un aux poids lourds des monuments parisiens (avec Gilles Malafosse et Laurent de Gourcuff), il y sème tout une panoplie de références, « plutôt classiques », qu’il réinterprète à sa guise. « Nous avons la chance de travailler dans des bâtiments extraordinaires. L’idée n’est pas de créer des lieux fantaisistes comme une performance éphémère, mais plutôt de s’inscrire avec respect dans l’histoire d’un édifice et de lui rendre hommage par un dialogue fécond, tout en apportant un sentiment de bien-être dans un esprit presque résidentiel. » Le style Joseph Dirand ? « Minimal ornemental, même s’il évolue vraiment en fonction des lieux et des contextes ». Si son travail de fondation est d’une grande sobriété, son architecture est peu à peu devenue bien plus ornementale et chaleureuse, flirtant avec un style Art déco revisité.

« Plus qu’un décor, il s’agit de créer une émotion participant à l’expérience d’un lieu »

Monsieur Bleu, le dandy des années 1930 

Pour sa première expérience de restaurant, l’architecte à la tête de son agence depuis 15 ans a mis sa patte dans le Palais de Tokyo, un de ses bâtiments préférés à Paris (« J’adore ses colonnades mélangées de formes arrondies, les portes sculptées en bronze, les bas-reliefs… », confie-t-il). Cet espace monumental s’est offert à lui dans des proportions magnifiques – 900 mètres carrés avec 9 mètres de hauteur sous-plafond –, alors tout en béton. Ne disposant d’aucune image d’archives pour l’aider à en structurer la composition (ce palais construit en 1937 pour l’Exposition Universelle n’a presque pas été utilisé à l’époque), Joseph Dirand s’est inspiré de l’architecture viennoise, « assez radicale ». Il a ainsi travaillé sur des formes rigides : structures en marbre vert accueillant les banquettes en velours, quadrillage au sol comme une trame dans l’esprit de l’architecture des années 1930, ligne d’horizon à hauteur des yeux pour donner une perspective, cannelures verticales qui accentue l’effet de hauteur, plafond noir et murs blancs inspirés d’Adolf Loos, luminaires signés Michel Boyer inondant l’espace d’une douce lumière… Et recréé des sous-espaces, notamment des alcôves et un bar central en laiton doré.

« Monsieur Bleu a été un projet complètement fascinant, un vrai symbole », se souvient-il.

En accordant autant de soin à la décoration et à l’ambiance qu’à l’assiette, ce restaurant a bousculé les codes. Un lieu iconique qui a réveillé Paris, où les genres et les âges se mélangent aujourd’hui dans l’esprit de la brasserie« Quand j’ai vu l’impact que mon travail d’architecte pouvait avoir sur les gens, cela m’a complètement passionné. Nous avons eu envie de continuer. »

Loulou, l’appartement de collectionneur

Après l’éclatant succès de Monsieur Bleu, le diplômé de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Belleville s’est vu confier la décoration du restaurant du Musée des Arts Décoratifs. Loin du gigantisme du premier établissement, ce projet prend place dans un lieu non moins « magique » : le Musée du Louvre (« la maison de la culture »). Pour contrebalancer ces volumes plus réduits, Loulou a été conçu dans l’esprit d’un appartement de collectionneur. Il a pris le parti de décorations très chargées, différentiées selon les deux étages.

« Loulou est très décoratif. Ce qui est très intéressant dans mon métier, c’est que je dois me mettre à chaque fois dans la peau de quelqu’un pour inventer un caractère. »

Chez Loulou, Joseph Dirand a superposé des éléments décoratifs inspirés notamment de Serge Roche, dans un savant mélange des genres : meubles de Saarinen, peintures et cannages muraux, sols en marbre noir et blanc, jeux de miroir, banquettes aux piètements en bronze en forme de coquillages… Comme un hommage aux grandes heures des Arts Décoratifs français.

Girafe, l’Art déco réinventé

Deux ans plus tard, l’architecte signe son troisième opus – Girafe – niché dans le Palais de Chaillot aux « volumes spectaculaires ». « Après Loulou, restaurant haut en couleurs qui marie les styles et les détails, nous revenons à un projet très symétrique, selon la construction des plans du bâtiment d’origine », note l’architecte. « L’idée était de travailler sur un espace très chaleureux, tout en bois, qui emprunte au vocabulaire Art déco en apportant un côté sophistiqué » grâce au travail sur les petites lignes de bronze, les inserts de tissus, les banquettes arrondies, les camaïeux de beiges… « Sous l’effet de la lumière, l’espace se teinte d’une couleur miel très agréable », souffle-t-il. Ces détails de bois et de bronze évoquent le style de l’appartement d’Auguste Perret, dans le 16e arrondissement.

« Nous avons travaillé sur un lieu à la fois sensuel et sophistiqué, un peu tiré aux cordeaux. »

Au 9e étage de la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, Joseph Dirand a conçu La Suite Girafe quelques années plus tard. Ce « club feutré à la James Bond, aussi chaleureux que masculin », tout en bois foncé, est empreint des mêmes références 1930-40 qu’il aime beaucoup et s’emploie à réinterpréter.

Un nouveau projet en cours au Grand Palais

« J’ai été très fier de m’inscrire à l’intérieur de ces bâtiments », déclare Joseph Dirand. « Si tous ces projets me tiennent tant à cœur, c’est qu’ils m’ont permis d’offrir dans ma ville des lieux ouverts à tous, où les gens prennent du plaisir et se construisent des souvenirs. C’est particulièrement satisfaisant pour un architecte. » Sans oublier les « extraordinaires terrasses » de ces trois restaurants, d’où l’on peut admirer des « panoramas fascinants » sur la ville : l’occasion pour ces lieux branchés de proposer des expériences différentes au gré des saisons.

L’architecte parisien prépare actuellement un nouvel opus au sein du Grand Palais« Je suis très excité à l’idée d’ouvrir une nouvelle adresse, qui racontera une histoire encore très différente tout en faisant partie de la même famille ». Porté par « cette énergie qui fait vivre l’architecture d’une manière indépendante », il se tourne de plus en plus vers des projets de restaurants et d’hôtels. « Il ne restera plus que la Tour Eiffel ! », badine-t-il.

> Retrouver l’article sur AD

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