« Réinventer Paris ». Rencontre avec Alexandre Labasse

Réinventer Paris

Le concours « Réinventer Paris » a récompensé 22 projets urbains et architecturaux innovants du Grand Paris, qui ont pour point commun l’omniprésence des bâtiments hybrides et des espaces verts.

Ces projets lauréats représentent autant de modèles de la ville du futur en matière d’architecture, de nouveaux usages, d’innovation environnementale et de co-construction. Ils sont présentés dans le cadre de l’exposition « Réinventer Paris » au Pavillon de l’Arsenal jusqu’au 8 mai 2016.

Alexandre Labasse est Directeur Général du Pavillon de l’Arsenal, le premier centre municipal européen destiné à promouvoir et à faire connaître à un large public l’architecture et l’urbanisme de la métropole.

Observatoire du design urbain : Quelle vision de la ville défendez-vous à travers les actions du Pavillon de l’Arsenal ? 

Alexandre Labasse : Le Pavillon de l’Arsenal est un espace de partage des connaissances des mutations de Paris et de la métropole parisienne. Notre objectif est de mettre les évolutions de la ville à la portée de tous. Néanmoins, nous ne sommes pas un musée, mais un centre d’information, de documentation et d’exposition d’urbanisme et d’architecture. Nous sommes également un espace participatif puisque nous proposons des conférences et des actions in situ.

ODU : Ce projet « Réinventer Paris » peut-il permettre de créer une nouvelle dynamique architecturale à Paris ?

AL : Assurément. Dans sa conception même, l’appel à projets « Réinventer Paris » intègre deux écosystèmes qui correspondent à deux temporalité différentes : d’une part, l’urbanisme et la construction, et d’autre part, la vie réelle et les besoins des usagers. Chaque projet est un point de rencontre entre ces deux écosystèmes et porte une vision innovante de la ville : les nouvelles manières d’habiter et de travailler, l’avènement de l’économie circulaire, la révolution numérique, les nouveaux modes constructifs… « Réinventer Paris » démontre la capacité de transformation, d’innovation et d’avant-garde de la capitale.

reinventer-paris-expo

ODU : De quoi parle cette exposition ? D’architecture, bien entendu, mais pas que de cela j’imagine ? Pouvez-vous nous expliquer ? 

AL : On voit émerger un grand nombre d’innovations d’usages qui soulèvent beaucoup de questions. Entre autres : que fait-on des rez-de-chaussées ? Comment remettre de la porosité dans les îlots ? Comment réinvestir nos toits et les rendre producteurs d’énergie ? Comment préserver l’existant ? Lorsque le projet a pour cadre un bâtiment existant, comme l’hôtel de Coulanges ou Morland dans le 4e arrondissement par exemple, le défi consiste à interroger l’existant dans le respect du patrimoine. Sur d’autres sites, il s’agit d’inventer de nouveaux quartiers (les Batignolles ou le Nord-Est de Paris). Enfin, sur certains terrains vierges, l’objectif est d’inventer du foncier – sur le site de Ternes-Villiers, cela se traduit par un paysage-pont au-dessus du périphérique. Dans ces cas-là, la ville vend du volume d’air pour construire ce que l’on appelle le « foncier invisible ».

ODU : Et vous, comment imaginez-vous la ville de demain ? À quelles évolutions peut-on légitimement s’attendre ? 

AL : La ville doit s’adapter aux nouveaux usages des uns et des autres. Elle doit, d’une part, être ouverte au changement, c’est-à-dire malléable, modulable et évolutive, et d’autre part, être productive. Ces évolutions sont visibles notamment à travers l’émergence des makers, de l’agriculture urbaine, les nouvelles façons d’habiter (l’économie du partage), les nouvelles façons de travailler (entre l’habitat et le lieu de travail – le home office –, le co-working, les fablabs et le nombre croissant d’entrepreneurs). Le verdissement de Paris est en fait un autre enjeu majeur puisqu’il s’agit de produire de quoi sustenter les habitants de la ville.

Pavillon de l'Arsenal (c) Pierre l'Excellent10
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ODU : Sur le thème de la ville intelligente et durable, pourriez-vous nous donner des exemples d’innovations particulièrement intéressantes dans les projets présentés ?

AL : On pourrait évoquer un grand nombre d’innovations au cœur des projets de « Réinventer Paris » : l’innovation constructive avec le retour aux constructions en bois (la reconstruction en filière sèche), par exemple au dessus de l’ancien Conservatoire du 13e arrondissement. Je pense également au béton végétalisant et dépolluant, avec le projet « Edison Lite » de Manuelle Gautrand Architecture, dont la construction sera conçue par les souhaits des habitants. Les constructions en terre ont également la part belle, comme le projet de la Gare Masséna (13e arrondissement) – qui n’a néanmoins pas été retenu parmi les lauréats. L’objectif est de rendre la ville plus frugale, tant dans son utilisation que dans sa construction. Sans compter qu’un certain nombre de projets proposent d’autres systèmes de financement par le crowdfunding, dans l’esprit d’un habitat participatif et co-constructif et dans la mouvance des nouveaux modèles financiers.

> Lire l’article sur le site de L’Observatoire du Design Urbain

L'Observatoire du design urbain, magazine édité par Marc et Caterina Aurel, propose des pistes de réflexion sur les usages de la ville.

Le street art s’expose à la Maison des Arts de Créteil

À l’occasion de la FIAC, grande messe de l’art contemporain, le collectionneur d’art Nicolas Laugero Lasserre (par ailleurs directeur de l’Espace Pierre Cardin et fondateur du club « Artistik Rezo ») assurera lui-même, ce samedi 25 octobre, la visite guidée de l’exposition consacrée à sa collection personnelle à la Maison des Arts de Créteil.

Présentée jusqu’au 13 décembre prochain, cette 30ème exposition du jeune collectionneur intitulée « In/Out » réunit une cinquantaine d’œuvres d’une trentaine d’artistes, talents émergeants et grandes pointures du street art (peinture, collage, pochoirs, mosaïque…).

Lors de cette visite exceptionnelle, c’est en collectionneur passionné qu’il parlera de ses œuvres fétiches, parmi lesquelles la célèbre affiche de soutien à la candidature de Barack Obama en 2008 par l’Américain Shepard Fairey, les rats atomiques de Roa, le pied de nez à la publicité de Mr. Propre par Dran, mais aussi les œuvres de Banksy,  JR, Invader et Jef Aérosol, pour ne citer qu’eux.

JR, "The wrinkles of the city" (2011)
« The wrinkles of the city », JR, 2011

Une collection itinérante

Reconnue pour sa qualité et sa diversité, la collection de Nicolas Laugero Lasserre se caractérise par son itinérance. N’ayant pas l’écrin nécessaire dans le petit appartement parisien du collectionneur, ses œuvres voyagent dans tout l’Hexagone, des galeries aux foires d’art contemporain en passant par les mairies, jusqu’en Belgique. Chaque exposition est un record d’audience attirant néophytes et initiés. « Je cauchemarde quand les œuvres restent dans le stock », confesse-t-il.

Le stock ? Plus de 300 œuvres de street art, qu’il considère comme « LE mouvement artistique du début du XXIe siècle ». Sa « collectionnite aigüe » le pousse même, en 2011, à vendre son appartement afin d’agrandir sa collection. Interrogeant les clivages sociaux et les rapports humains, c’est la portée sociale et politique de cette forme d’art qui l’intéresse, plus que son esthétisme.

Vue d'ensemble de l'exposition In/Out
Vue d’ensemble de l’exposition « In/Out »

« Plus que d’argent, une collection est question de passion »

Nicolas Laugero Lasserre partage sa collection par plaisir de faire rayonner l’art, mais aussi pour tenter d’insuffler aux jeunes générations le goût de se lancer dans la même aventure. « Partager et transmettre cette passion de l’art est devenu pour moi une priorité », déclare-t-il, aimant à rappeler que « l’on peut acheter de très bonnes œuvres à quelques centaines d’euros ».

Ce collectionneur humble et inspirant prône l’art pour tous et considère la culture comme « salvatrice, parce qu’elle est irremplaçable pour ouvrir les esprits, les rendre plus tolérants et aussi les distraire ». Selon lui, « il faut désacraliser l’art. Et ce mouvement accessible au plus grand nombre, né dans la rue, permet à tous de se l’approprier. » Nul doute que cette exposition fera naître des vocations…

Jef Aerosol, "Sitting Kid" (2008), pochoir
Jef Aerosol, « Sitting Kid » (2008), pochoir


« In / Out »
Jusqu’au 13 décembre
Visite guidée par Nicolas Laugero Lasserre : samedi 25 octobre, de 10h à 11h30

Maison des Arts de Créteil (Place Salvador Allende, Créteil)
Du mardi au samedi, 13h-18h30, et les soirs de représentation
Entrée libre

Niki de Saint Phalle, une « nana » radicale

Audacieuse, engagée, radicale… C’est ainsi qu’on découvre l’œuvre de Niki de Saint-Phalle dans la rétrospective qui lui est consacrée au Grand Palais jusqu’au 2 février prochain. En deux cents œuvres et archives (dont beaucoup inédites), se décline la personnalité explosive d’une artiste aux partis pris forts et assumés. La violence, dans tous ses états et toutes ses dimensions : c’est l’angle inédit qu’a choisi Camille Morineau, la commissaire de cette exposition très attendue, la plus grande dédiée à l’artiste depuis vingt ans.

« Domestiquer ses dragons »

À coup de couteaux, hachoirs, armes et autres objets contondants, le thème de la violence ponctue le travail de Niki de Saint Phalle comme un leitmotiv obsédant. L’épisode de l’inceste paternel, dont la petite fille de onze ans fut victime, la marque au fer rouge et la pousse droit dans les bras de l’art : « Peindre calmait le chaos qui agitait mon âme. C’était une façon de domestiquer ces dragons qui ont toujours surgi dans mon travail. » (Harry and me. The family years, 1930-1960). Pour échapper aux affres de la dépression, elle écrit et surtout, s’adonne à ses pinceaux et à ses gouaches, devenant l’une des premières plasticiennes féminines du XXe siècle. « J’ai eu la chance de rencontrer l’art parce que j’avais, sur un plan psychique, tout ce qu’il fallait pour devenir une terroriste », conclut-elle avec le recul des années.

La Mort du Patriarche (1972), Niki de Saint Phalle
La Mort du Patriarche (1972)

Dans son œuvre, le thème de la violence a la part belle et rares sont ses contemporains à y accorder un tel intérêt. Première femme plasticienne, Niki de Saint Phalle est aussi l’une des premières artistes femmes à peindre la violence. Comme le souligne la commissaire de l’exposition, c’est un « double scandale, une double provocation ». Le patriarcat, le racisme, l’inceste, l’Eglise… Autant de prétextes pour tirer sur le monde qui l’entoure – jusqu’à sa propre peinture.

Les Trois Grâces (1995-2003), Niki de Saint Phalle
Les Trois Grâces (1995-2003)


Une héroïne et ses Nanas

« J’ai décidé très tôt d’être une héroïne. L’important était que ce fut difficile, grand, excitant ! » (Traces. Une autobiographie). C’est ainsi que Niki de Saint Phalle crée, dès 1965, les Nanas, ces sculptures de femmes-monuments à l’image de l’héroïne qu’elle veut être. Vêtements colorés, formes opulentes, sauts de chat désinvoltes… Ces déesses calypiges évoquent en tout point la joie et la liberté. Mais elles n’en portent pas moins l’esprit revendicateur de l’artiste. Niki de Saint Phalle invente une féminité différente des standards de l’époque, loin des couvertures de magazines des Elle et Vogue pour lesquels elle posa. Ces femmes surdimensionnées représentent, selon elle, « le monde de la femme amplifié, la folie des grandeurs des femmes, la femme dans le monde d’aujourd’hui, la femme au pouvoir ». Appelant de ses voeux un « Nana Power », l’artiste anticipe les problématiques féministes.

Et parfois, la féminité fait peur, comme dans la série des Mariées qui met en scène des mort-vivantes côtoyant la destruction. L’œuvre de Niki de Saint Phalle oscille sans cesse entre joie et tragédie, ce qui la rend si fascinante et mystérieuse.

Cheval et la mariée (1964), Niki de Saint Phalle
Cheval et la mariée (1964)

L’art pour tous

Passionnée de culture populaire, cette « sacré nana » voulait proposer un art accessible au plus grand nombre, ambition qui prit forme dans ses grands projets architecturaux publics élaborés en collaboration avec son mari Jean Tinguely. Fontaines, parcs pour enfants, jardins ésotériques et maisons habitables furent érigés pour toucher un public hors des musées, comme La Fontaine Stravinsky (Paris, 1983) ou Le Jardin des Tarots (1978-1998). Ces œuvres à ciel ouvert rappellent à la postérité l’incroyable fusion amoureuse et artistique de ceux que l’on a coutume d’appeler « les Bonnie and Clyde de l’art ».

Le Grand Palais
3 Avenue du Général Eisenhower, 75008 Paris

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