En un an, les livres audios numériques ont conquis 800 000 nouveaux adeptes. Valérie Lévy-Soussan, PDG d’Audiolib, décrypte cette tendance et partage sa vision de l’avenir du secteur.
Un Français sur cinq serait un adepte du livre audio. C’est ce que révèle la 12ᵉ enquête sur les usages du livre publiée en avril 2022 par la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (Sofia), le Syndicat national de l’édition (SNE) et la Société des gens de lettres (SGDL) Selon ce baromètre, la France compte en 2022 9,9 millions d’audiolecteurs. Valérie Lévy-Soussan, PDG d’Audiolib – filiale de Hachette Livre et d’Albin Michel lancée en 2008 – et présidente de la commission « livre audio » du SNE analyse les résultats de cette étude.
La French Touch : Comment expliquez-vous l’essor du livre audio ?
Valérie Lévy-Soussan : Depuis 15 ans, le marché du livre audio s’est singulièrement transformé. Si le livre audio jeunesse a toujours existé, il est un peu moins présent sur le volet numérique au profit de boîtiers audio connectés. Côté adulte, ce qui a vraiment changé depuis 4 ans est le grand essor du livre audio numérique. Avec le développement des smartphones, des plateformes et de l’usage d’écoute grâce aux podcasts, le livre audio est devenu plus facilement accessible. Les ventes ont augmenté, ce qui a incité des éditeurs à entrer sur ce marché ou à développer leur catalogue. Il s’est encore développé à la faveur des confinements. Un des principaux atouts du livre audio est qu’il facilite l’accès au livre et procure du plaisir, comme lorsqu’on écoute une belle pièce musicale, un feuilleton radiophonique ou un podcast. Il permet à des personnes qui n’avait pas ou plus l’habitude de lire d’accéder à des offres sans cette barrière d’effort de lecture.
FT : Quel est le profil-type de l’auditeur de livre et quels sont les usages ?
VLS : Le profil de lecteurs change et se développe. Les usages s’intensifient et les usagers rajeunissent.Concernant le livre audio numérique, alors que le public des débuts était plutôt une auditrice de 46 ans en moyenne, 55% des auditeurs sont désormais des hommes, ont 39 ans ½ en moyenne, soit près de 10 ans de moins que l’âge moyen des lecteurs de livres imprimés. Ils sont très fortement équipés et férus d’activités numériques. Les livres audio sont principalement écoutés sur un smartphone et à domicile, soit en complément d’une autre activité, notamment manuelle, soit pour prendre un moment pour soi.
FT : Quelle est la place du livre audio numérique dans l’offre sonore actuelle ?
VLS : Globalement, nous sommes portés par cette offre sonore de plus en plus large et je pense que le livre audio y a toute sa place. On me demande souvent si les livres audio sont en concurrence avec les podcasts. Je pense que ce sont des contenus très différents. Un medium n’en a jamais supplanté un autre ; chacun correspond à des usages différents à divers moments de la journée.
FT : À quels défis le secteur doit-il faire face ?
VLS : Le secteur du livre audio est encore assez méconnu ; il y a donc un enjeu de notoriété d’usage. Le livre audio doit aussi combattre un certain nombre de préjugés pour gagner ses lettres de noblesse et s’affirmer comme un livre à part entière. Mais le défi principal est de développer les catalogues pour mieux refléter l’offre que l’on trouve en librairie et les diffuser sur toutes les plateformes afin de rencontrer le plus large public. Nous sommes également très attachés à maintenir une qualité professionnelle d’enregistrement et de son, ce qui nous différencie beaucoup des plateformes gratuites. Le travail des studios et des comédiens est essentiel pour susciter de l’émotion de l’auditeur ou lui permettre d’apprendre. Cela déterminera si l’auditeur renouvellera l’expérience. C’est un travail très particulier et ce savoir-faire se répand de plus en plus.
C’est un marché en mouvement, avec l’arrivée en France des plateformes de streaming de livres. Dans les années à venir, il va y avoir de plus en plus de façons d’accéder au livre audio. Aux Etats-Unis, émergent aussi les voix de synthèse développées par l’intelligence artificielle. Ce sont d’autres développements auxquels nous pourrons avoir à affronter. Chez Audiolib, nous allons continuer à tester de nouveaux segments et des centres d’intérêt différents, en phase avec la demande, afin de rester le premier éditeur de livres audio en France – hors jeunesse.